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b h a g . n e t   l'échange visuel et conceptuel   b h a g . n e t

  
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FEMME

traduction, J.C.
conseil en les textes français, Yvon Chatelin

 

Femme croit qu'elle me surprend à mentir. Je souriais quand elle était brune, la promenais quand elle était rousse, touchais sa main quand elle était blonde, sentais le parfum de sa peau quand elle était blanche ou noire ou brune. J'aspirais, quand elle exhalait, une haleine douce d'innombrable parfums. Pourquoi ne voit-elle pas que je l'aime toujours, toujours et partout. Je l'aime. Je prend grand plaisir à lui tenir compagnie, à écouter ses paroles, à la voir écouter mes paroles. Elle m'est chère.

Mais elle est blessée par mes attentions continuelles, mes explorations continuelles, mes redécouvertes continuelles de son essence. Pas toujours dans le sens plein, mais dans les petites événements d'un sourire, d'une conversation, d'une communion amicale, ou brève ou longue. Mais chaque découverte est une perte, dit-elle. Elle me déconseille, elle me tolère, elle m'évite. Je reviens à elle parce qu'elle est femme, et je la fuis parce qu'elle construit un barrage à l'amour. Mon coeur se brise quand son coeur se brise.

Et mon coeur se brise aussi quand son coeur ne bat pas à mon toucher, mais il a tort de se briser à ce moment-là. Je pense tout d'abord: Elle aime l'homme et je suis homme, ainsi comment peut-elle ne pas m'aimer? Comment peut-elle dire que je ne suis pas homme? Mais je sais comment. Je fais la même chose. J'aime la femme, mais de temps en temps je ne sens rien, je ne dis rien, je ne veux pas de rapport avec elle. Et en vertu de ne vouloir rien, je lui dis qu'elle n'est pas femme. Quelle chose horrible à dire à quelqu'un! Personne, ou homme ou femme, ne devrait jamais entendre de tels mots. Mais nous les entendons maintes et maintes fois.

Femme croit que j'ai promis de la retrouver une fois et que cela suffit. Ce monde-ci lui en a fait la promesse. Je ne suis pas ce monde. Je ne l'ai pas fait. Peut-être maintenant en ai-je trop dit. Peut-être ai-je parlé en termes trop simples pour décrire la vérité ou en termes trop vrais pour la dire sans risque. Il semble que je parle d'aimer un féminin universel et abstrait. Si j'aime le féminin, alors ne puis-je aimer aucune femme? Est-ce qu'aucune femme ne peut m'aimer? Je ne sais pas. Je sais seulement ce que je crois du fond du coeur, et je ne vais pas le réprimer. La clarté produit du pouvoir et l'obscurité produit de la faiblesse. La femme qui ne peut pas m'aimer va me connaître au moins—et je viens à croire que la connaissance profonde n'est nulle autre chose que l'amour.

 

© 2003 John Clay